Quelque 28 millions de ménages et les plus gros consommateurs d’électricité devront s’acquitter d’une augmentation rétroactive de leur facture. Le Conseil d’Etat a en effet annoncé, mercredi 15 juin, l’annulation d’un arrêté qui limitait à 2,5 % l’augmentation des tarifs de l’électricité survenue en 2014 et qui portait sur la période du 1er novembre 2014 au 31 juillet 2015. Il estime que ces tarifs « avaient été fixés à un niveau manifestement insuffisant pour assurer le rattrapage des écarts tarifaires passés ». La haute juridiction donne trois mois au gouvernement pour publier de nouveaux arrêtés fixant cette hausse rétroactive.
Ce rattrapage sera d’environ « 1,50 euro par mois sur dix-huit mois », soit une trentaine d’euros en moyenne par foyer, a précisé Ségolène Royal, la ministre de l’environnement et de l’énergie, jeudi matin, sur Europe 1. Elle a également indiqué que la hausse prévue au 1er août pour la période 2016-2017 sera « de moins de 1 %, peut-être aux alentours de 0,5 % ». Mais depuis 2016, c’est à la Commission de régulation de l’énergie (CRE) que revient le pouvoir de fixer les tarifs une fois par an. L’Etat conserve un droit de veto, mais s’il refuse l’augmentation décidée par le « gendarme » de l’énergie, EDF ne bénéficie d’aucune hausse. Et il est clair qu’à moins d’un an de l’élection présidentielle, le gouvernement fera tout pour la limiter. Quitte à déclencher un nouveau recours devant le Conseil d’Etat qui statuera… après cette échéance politique.
Le dernier recours avait été déposé par l’Association nationale des opérateurs détaillant en énergie (Anode), qui regroupe des fournisseurs autres qu’EDF. Elle jugeait la hausse de 2,5 % trop faible, notamment pour compenser les augmentations insuffisantes des années précédentes. Pour le français Direct Energie, l’italien ENI ou le belge Lampiris, la hausse des tarifs réglementés d’EDF rend leurs propres prix plus compétitifs dans le cadre d’un marché de l’énergie libéralisé en juillet 2007. Et ce n’est pas la première fois qu’elle saisit le Conseil d’Etat, sur l’électricité comme sur le gaz. Celui-ci lui avait déjà donné gain de cause et avait enjoint aux pouvoirs publics de décider un rattrapage sur la période 2012-2013.
Mur d’investissements
Malgré la menace d’une sanction des juges du Palais-Royal, Mme Royal n’avait pas hésité, fin juillet 2014, à geler purement et simplement la hausse de 5 % promise par Jean-Marc Ayrault à EDF avant son départ de Matignon. La ministre l’avait fait au nom de la défense du pouvoir d’achat des consommateurs, tout en précisant qu’elle mettait à l’étude un nouveau mode de calcul. Or, celui-ci intègre les prix de gros (très déprimés) et ne garantit donc plus que l’évolution des tarifs couvre entièrement les coûts d’EDF (production, transport-distribution, commercialisation).
L’opérateur historique ne peut que se féliciter de la décision du Conseil d’Etat au moment où il est fragilisé par l’effondrement des prix de gros qui, au contraire, favorise ses concurrents se fournissant ainsi à bas prix. Son PDG, Jean-Bernard Lévy, réclame fréquemment à l’Etat actionnaire (85 %) une augmentation « régulière et modérée » des tarifs réglementés. L’ex-monopole public, qui a besoin de visibilité, a fait une hypothèse de hausse des tarifs des particuliers de 2,5 % par an sur 2016-2019, selon un document interne obtenu par l’agence Reuters en janvier.
Si M. Lévy plaide pour une hausse des tarifs, c’est que son groupe est face à un mur d’investissements sans précédent. Il devra moderniser et sécuriser les 58 réacteurs nucléaires de son parc français (51 milliards d’euros d’ici à 2025), financer les 5 milliards nécessaires au déploiement des 35 millions de compteurs « intelligent » Linky d’Enedis (ex-ERDF), investir dans les énergies renouvelables (éolien, solaire) et les services à l’énergie (Dalkia). Et, surtout, se renforcer à l’étranger, notamment à travers la construction de deux réacteurs EPR au Royaume-Uni (soit de 16 à 18 milliards), un investissement contesté au sein l’entreprise et par Mme Royal elle-même.
La fermeture de Fessenheim « doit être tenue »
La ministre de l’environnement et de l’énergie est également revenue sur le processus de fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin). « Le décret d’arrêt de fonctionnement de Fessenheim doit être pris avant la fin de cette année (…), donc, le processus doit être tenu et il n’y a aucune raison qu’il ne le soit pas », a affirmé Ségolène Royal, alors qu’EDF, l’exploitant de la centrale, souhaite boucler les discussions sur son indemnisation avant d’enclencher la fermeture des installations.
En vertu de la loi de transition énergétique, Fessenheim devrait fermer parallèlement à l’entrée en service du réacteur EPR de Flamanville (Manche), prévue à la fin de l’année 2018.
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