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La hausse des impôts est inévitable, par Didier Migaud

La fiscalité doit être plus juste et transparente.

Publié le 10 juin 2009 à 13h48, modifié le 10 juin 2009 à 13h48 Temps de Lecture 5 min.

Fin 2001, après trois années de baisse, la dette publique représentait 56,9 points de PIB. Fin 2007, creusée par la politique fiscale menée depuis 2002 et amplifiée avec l'arrivée à l'Elysée de Nicolas Sarkozy, elle représentait déjà 63,9 % du PIB. Les conséquences de la crise financière sur nos comptes ne feront donc qu'aggraver une situation déjà très dégradée, comme l'a constaté la Cour des comptes. Nos finances publiques vont ainsi connaître une forte et brutale dégradation dès 2009, la dette atteignant un niveau proche de 80 % du PIB.

Le gouvernement continue de camper sur la fiction suivante : la reprise est au coin du bois, les recettes fiscales vont revenir et son action sur la dépense publique va permettre de résorber les déficits et de faire reculer la dette publique. Quand on se souvient que la France a été l'un des rares pays, en 2007, à voir sa dette publique s'alourdir malgré une croissance supérieure à 2 %, on se dit que cette thèse est une fable qui ne résistera pas à l'épreuve des faits.

Qui peut penser que le premier ministre - qui parlait à l'été 2007 d'une France en "faillite" -, confronté depuis à une nouvelle et forte dégradation de nos comptes, ne sera pas contraint de mettre rapidement en oeuvre des augmentations d'impôts ? Laisser penser que la remise en cause de la dépense publique suffira à rétablir nos comptes publics est illusoire et dangereux.

La contradiction est totale chez ceux qui, d'un côté, se réjouissent que la France résiste mieux à la crise que les pays anglo-saxons grâce à un niveau plus élevé de dépenses publiques et de prestations sociales, et de l'autre ont pour projet, avant comme après la crise, de remettre en cause ces dépenses aux vertus bien réelles, à partir du moment où elles sont maîtrisées et évaluées : en effet, elles constituent la forme de redistribution la plus efficace pour corriger les inégalités. D'où la nécessité de veiller à leur efficacité, ce qui ne signifie pas qu'il faille nécessairement en réduire le niveau.

La dérive de nos comptes publics est telle que les marges qui peuvent exister sur l'efficacité de la dépense - budgétaire ou fiscale - n'y suffiront pas. Plusieurs responsables de la majorité, considérés à juste titre comme des "experts" des finances publiques, en ont conscience, et reconnaissent que les augmentations de prélèvements obligatoires seront nécessaires, certains plaidant pour l'augmentation de tel ou tel prélèvement, notamment de la CSG. Beaucoup de pays annoncent d'ailleurs des augmentations de prélèvements en direction des plus aisés et des acteurs du système financier.

La question se pose alors : sur qui le gouvernement fera-t-il porter ces augmentations ? Les Français n'accepteront d'efforts supplémentaires que s'ils ont la certitude que ces efforts permettront de conforter notre pacte social, et s'ils ont l'assurance qu'ils seront répartis équitablement. De ce point de vue, le bouclier fiscal - unique au monde - est scandaleux, puisqu'il exonère d'effort supplémentaire ses bénéficiaires, dont on a démontré qu'ils se trouvent principalement parmi les plus aisés. Sa suppression est donc un préalable nécessaire.

UNE FISCALITÉ ÉCOLOGIQUE

Au-delà, il m'apparaît urgent de réaliser enfin la grande réforme fiscale dont notre système a besoin : l'instauration de la retenue à la source de l'impôt sur le revenu et sa fusion avec la CSG pour fonder le véritable impôt citoyen, juste, efficace et universel. Cette réforme, les socialistes la proposent depuis plusieurs années en vain, la droite l'ayant toujours repoussée, par conservatisme.

Il s'agit de rendre l'imposition des revenus des ménages plus juste, plus cohérente, plus efficace et plus transparente. Qui sait aujourd'hui que pour 9 Français sur 10 le poids de la CSG est plus lourd que celui de l'impôt sur le revenu ? Pourquoi faire durer la fiction de la frontière entre imposables et non-imposables, alors que tout le monde paye la CSG ? Pourquoi refuser que l'IRPP, comme la CSG, s'adapte immédiatement aux variations de revenus ? Pourquoi se focaliser sur les taux marginaux plutôt que d'adopter un barème permettant à chacun de connaître son taux réel d'imposition ? Aucune difficulté technique insurmontable ne s'oppose à une telle réforme.

S'agissant de la fiscalité du patrimoine, que le souci de justice fiscale et de correction des inégalités impose de consolider à rebours des orientations prises par Nicolas Sarkozy, il faut oser mettre en place une fiscalité qui incite les détenteurs de patrimoine à faire fructifier leur capital ; et qui prévienne les situations de rente et la perpétuation des inégalités au moment des successions. Faute d'assumer un débat sur l'ISF - dont les caractéristiques issues des années 1980 doivent être modernisées sans remettre en cause son principe et son produit -, la majorité a préféré détricoter cet impôt en le creusant de niches fiscales et en créant le bouclier fiscal.

Quant à la fiscalité locale, laissée en friche depuis 2002 mais menacée d'un big bang élyséen plus destructeur que créateur, elle doit être réformée. Non pas en bousculant l'équilibre entre les fiscalités pesant sur les ménages et sur les entreprises : toute suppression de la taxe professionnelle dont le coût reposerait sur les ménages (directement ou indirectement à travers un creusement du déficit public) serait une double erreur économique et sociale. Le maintien d'un lien entre les entreprises et les territoires à travers la fiscalité est garant d'un équilibre et d'une efficacité qui doivent être conservés. En revanche, le constat d'un appareil productif affaibli doit nous amener à revoir la façon dont l'impôt local sur les entreprises pèse plus ou moins sur les différents secteurs d'activité. Une fiscalité locale des entreprises reposant sur une part foncière et une part de valeur ajoutée permettrait de concilier ces objectifs.

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Enfin, aucune réforme fiscale ne sera complète si elle n'intègre pas la question climatique. L'urgence impose de mettre en place une fiscalité écologique sur les consommations d'énergie dans les secteurs restés à l'écart des actuels quotas. Nous devons tenir compte à la fois des tergiversations internationales sur la définition de mécanismes de marché censés introduire un signal prix, et de l'avis des experts pour qui la fiscalité est le meilleur instrument disponible pour introduire un signal prix véritablement dissuasif. Il est donc nécessaire d'introduire une véritable fiscalité environnementale, tout en prenant les mesures destinées à éviter les délocalisations d'activité en direction de pays où aucun signal prix n'existe, et les accompagnant de mesures protectrices pour le pouvoir d'achat. Le chantier est ambitieux. Mais ce n'est que s'il est mené à bien avant les futures augmentations de prélèvements que les Français pourront accepter les efforts considérables qui pourront leur être demandés.


Didier Migaud est président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, député (PS, Isère).

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