Une subite écolomania

Publié le
Jean-Pierre Bédéï

Quel coup d'accélérateur ! Il suffit que les écologistes se taillent un franc succès aux Européennes pour que tout à coup la préoccupation environnementale revienne en force. Que les Verts pavoisent, c'est légitime. Qu'ils veuillent plumer la volaille socialiste bien mal en point, on n'a pas de peine à l'imaginer. Déjà au début des années 90, ils caressaient ce rêve lorsque la gauche courait vers une défaite des plus spectaculaires aux législatives de 1993. Ils n'étaient pas parvenus à leurs fins, victimes surtout d'eux-mêmes… Mais la tentation était déjà forte.

Aujourd'hui les Verts ne sont pas les seuls à célébrer le succès de l'écologie. La droite le revendique aussi. Depuis lundi, le gouvernement et l'UMP ne cessent de se réclamer du Grenelle de l'Environnement. Nicolas Sarkozy se pose en premier écologiste de France. Deux jours après les Européennes, il visitait l'Institut national de l'énergie solaire en Savoie. Certes, ce déplacement était prévu de longue date, mais il tombait à point nommé pour que le Président fasse les yeux doux aux écologistes : « Là où on dépense un euro pour le nucléaire, on dépensera un euro pour les énergies renouvelables. » Et hier devant des sénateurs UMP, Sarkozy a souligné « qu'on n'avait pas attendu les Verts pour savoir que l'environnement est important ». François Fillon estime que la performance de Cohn-Bendit et de ses amis « confirme l'importance grandissante de la question environnementale ». Enfin Copé déclare que « l'UMP est un parti qui a pris la dimension de l'écologie à bras-le-corps ». Même Bernard Accoyer, le président de l'Assemblée nationale, s'y met. Lui aussi surfe sur la vague verte. Il a annoncé que le film « Home » de Yann Arthus-Bertrand serait projeté au Palais-Bourbon mardi prochain pour les députés et des invités. « La priorité environnementale, elle est bien là au niveau de l'exécutif et du Parlement, toutes tendances confondues », a-t-il expliqué. Enfin, hier le gouvernement a relancé le débat sur l'idée d'une « taxe carbone » sur le contenu en énergie polluante de nos consommations, portée en 2007 par Nicolas Hulot. Une « conférence d'experts » sera organisée en juillet pour étudier la faisabilité de ce projet qui vise à modifier les comportements en encourageant les ménages et les entreprises à consommer moins d'énergies comme le pétrole, le gaz et le charbon. Mais cette mesure inquiète déjà « UFC-Que Choisir » qui s'est déclarée sceptique quant à l'efficacité environnementale de cette mesure, craignant « son impact immédiat sur le pouvoir d'achat ».

À gauche aussi l'écologie pourrait devenir très rapidement une priorité. Dans la « refondation » du PS que préconise Aubry, il y a fort à parier que l'environnement tiendra une place de choix afin que ce créneau ne soit pas abandonné aux Verts. Déjà, le socialiste Didier Migaud, président de la Commision des finances à l'Assemblée, a averti qu'« aucune réforme fiscale ne sera complète si elle n'intègre pas la question climatique. » À droite comme à gauche, le vert est mis, pourrait-on dire pour parodier le titre d'un film. Comme si l'échiquier politique était pris d'une subite écolomania…

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Les commentaires (1)
Marc Defradas Il y a 14 années Le 11/06/2009 à 12:37

L'urne et l'épuisette
Si l'on s'en tient aux chiffres, il n'y a guère qu'en France que les "verts" bénéficient d'un effet de mode très médiatisé : la plupart des Etats européens n'envoient aucun député de cette nouvelle religion au parlement de Strasbourg. Les écologistes allemands passent de 11,9% des sièges en 2004 à 12,1% en 2009, i.e. de 13 à 14 sièges. Avec 14 sièges en 2009, les députés verts français égalent nos voisins germaniques. Encore faudrait-il étudier la motivation et la sociologie de leur élection, au regard de l'abstention. Les fidèles de cette obédience sectaire qui prône à s'y méprendre la décroissance économique ne se sont certainement pas abstenus dimanche dernier : leur choix était fait et, par respect pour la gent aquatique, ils ne sont pas allés pêcher à la ligne ! Ils ont fait le plein de leurs voix. Dans les régions du secteur industriel, les électeurs savent bien que le renchérissement des prix de production dû à l'acharnement écologique est mortel pour l'emploi. Il ne faut pas penser qu'à la seule planète ! La vie des hommes a aussi un coût ou alors c'est que l'homme ne vaut pas plus que le roseau du marais. "Mais c'est un roseau pensant", disait Pascal. Voilà une nuance à laquelle trop de doctrines totalitaires ayant pignon sur rue sont insensibles.